C’est la lecture du n° 45NF d’Après-demain, paru en janvier 2018, dont le dossier avait pour titre La Prison, qui a convaincu la déléguée de classe de la 49e promotion d’élèves directeurs de l’École nationale d’administration pénitentiaire (Énap) d’inclure parmi les noms de baptême proposés à ses camarades celui de Françoise Seligmann. Et c’est sur cette personnalité hors du commun, résistante et journaliste, défenseuse des droits de l’Homme, que s’est porté le choix des futurs directeurs d’établissements pénitentiaires dont la formation vient de s’achever en ce mois de septembre 2020.
Concilier la dignité, les droits humains et la privation de liberté est assurément une gageure. Ainsi Adeline Hazan, alors Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, dénonçait-elle en 2018 la surpopulation carcérale comme d’un « fléau français »[i]… qui a valu à notre pays d’être condamné par la Cour européenne des droits de l’Homme, en 2020, pour « conditions de détention inhumaines et dégradantes ».
En 2019, à l’occasion du 10e anniversaire de la force obligatoire de la Charte européenne des droits fondamentaux, les élèves directeurs de l’Enap ont travaillé sur les notions de « liberté » et de « dignité », qui prennent une dimension très concrète lorsque des pics de densité carcérale à 200% sont constatés dans des maisons d’arrêt franciliennes et lorsque 1 638 détenus en sont réduits à dormir sur un matelas au sol[ii]. « Imaginez 3m2, écrit par exemple Selma Sechaud, élève de l’Enap, dans le cadre de ce travail collectif. C’est la surface minimale qu’impose l’office des affaires vétérinaires pour assurer un enclos à un chien de 20 kg (…) c’est également la surface dont dispose une personne détenue, dans de nombreux établissements pénitentiaires en proie à la surpopulation pénale. »
Nul doute que la mémoire de Françoise Seligmann, qui combattit toute sa vie durant pour la dignité humaine, face à la barbarie nazie puis face à l’intolérance et l’injustice pendant la guerre d’Algérie, inspirera les futurs fonctionnaires de l’administration pénitentiaire dans leur difficile mission. Ce sont ces valeurs qu’est venue porter Annie Snanoudj-Verber, déléguée générale de la Fondation Seligmann, lors de la cérémonie de baptême de la 49e promotion des élèves directeurs, le 18 septembre dernier.
[i] « Surpopulation carcérale : le fléau français », Après-demain n° 45NF, La prison, janvier 2018.
[ii] Chiffres au 1er novembre 2017 cités par Adeline Hazan dans son article « Surpopulation carcérale : le fléau français ».